Presse Voix Humaine – mai 2016 Mais le « plat de résistance » de la soirée est bien cette « Voix humaine » interprétée par la soprano française Karen Vourc’h. Le superbe monologue de Jean Cocteau, créé à la scène par Berthe Bovy, puis mis en musique par Francis Poulenc et créé par Denise Duval en 1959, impose à son interprète quarante-cinq minutes de lamento solo, à mi-chemin entre la diction et le chant. C’est donc à un exercice sans filet (puisque sans partenaire) que se mesure la cantatrice qui interprète le rôle de la Femme, pour lequel des dons de comédienne sont tout autant nécessaires que des qualités de chanteuse. Karen Vourc’h se montre ici à la hauteur de nos attentes, réalisant un très beau moment de théâtre. Au cours de la soirée, la chanteuse semble adapter une partition, somme toute malléable, à sa propre sensibilité. La voix déploie toute une gamme subtile de nuances (les plaintes épousent le cri de douleur sans jamais être hurlées, les confidences mezza voce s’avèrent d’une exquise suavité) et offre un chant parfaitement maîtrisé. Si quelques mots se perdent dans les moments de douleur, l’émotion est, quant à elle, constamment présente, comme surgissant du plus profond d’elle-même. La cantatrice campe très habilement son personnage : une femme séduisante, jetée au bord du gouffre par son amant, mais capable de masquer sa souffrance, de faire face avec élégance. Ni hystérie (il faut voir, dans ce registre, Anna Magnani se rouler par terre sous la caméra de Roberto Rossellini), ni mièvrerie (le texte de Cocteau accuse quand même de sacrées rides). Cette femme « rompue » telle que Vourc’h nous la restitue appartient à toutes les époques, à toutes les douleurs, et symbolise toutes les séparations. Emmanuel Andrieu - Classiquenews - 21 mai 2016 |